#1 – Beyond the Horizon
There are mornings when one would rather open the windows to the gentle sway of the waves, the mist slowly lifting, revealing the sharp lines of the Cypriot coast, than to the turmoil stirring just beyond the horizon.
From my hotel room in Paphos, I watch this sea, still as oil — and I think that beyond this peaceful stretch of water, just a few hundred kilometers away, a people is slowly vanishing, torn from their land like a patch of rainforest. Farther still, beyond Turkey and the Black Sea, another war drags on — as if pulled from a nightmare.
And like the boat one believes disappeared once it slips past the horizon, many realities move forward out of sight, carried by currents the eye cannot always catch. Between the carefree ease of my childhood and the world unfolding before me today, only the blink of an eye seems to have passed.


#2 – A distant History
Because I haven’t lived through History. Because, to me, it only exists in books. I find myself disoriented in the face of today’s world. It is hard to grasp, in any real tangible way, that humanity has only been shaped by cycles of violence and respite, collapse and renewal. And perhaps what seems like a shipwreck today is simply a passage toward a more peaceful rebirth. And it is hard to believe that the resilience we once had still exists — or that one day, somewhere, people will rise who can lead without being consumed by power and violence.
I grew up in a world that believed only in progress. Among those who preached peace after waging war, those who spoke of equality after long denying it. Perhaps that is why violence, in its hardest forms, always felt so distant to me.
I cannot change the world that shaped me. But maybe it was right, in the end, that the veil should be lifted. Maybe it was time to understand that war is not something distant, reserved for other lives, but a deeply human reality — one we have made and unmade together since the beginning.

#3 – Introspection
I feel of no use, in this particular moment of History. Perhaps because, taken alone, my life holds little weight. But the more I try to understand the world and its pains, the more I discover myself. I begin to understand the logic of my own violence, my indifference, and the limits of my empathy and generosity. And I see the illusions that protect me: that comforting lie that other people’s realities are not mine to carry.
But if I recognize in myself the same fears, the same impulses, the same longings as those who now persecute — or are persecuted — then I can no longer believe that all this is separate from me.
And I understand that this inner battle — to keep violence and indifference from taking root — will shape my words and my actions. And those actions, bound to the ones of others, may — in their own way — shift something in the world’s design.
#4 – Biodiversity
They say that nature without diversity becomes fragile. That when we replace wildflowers and tangled groves with endless rows of engineered corn, the earth is slowly drained, until it becomes sterile. And when a single species disappears, others follow — because every life holds others in balance.
It is strange, then, knowing we are part of that same nature, that we so easily believe the loss of certain peoples, certain cultures, would leave the world untouched.
I marvel, again and again, at how swiftly humans reject — and attempt to destroy — anything that differs from their own. Or at least, what does at first glance. And yet, perhaps we have survived because of this strange ability to transform ourselves in order to inhabit the world, to create diversity to embrace its complexity.
Behind the discomfort differences bring, lie only the same questions, asked in a different manner.
#5 – Ordinary Life
We don’t speak enough of the ordinary. Of ordinary days, of ordinary people.
Yet there is beauty in the ordinary. There is more beauty in the ordinary, than in the extraordinary. More beauty in the nameless lives of history than in its heroes. In those who live simply and quietly. And God knows they are many. And God knows they are despised.
The fabric of our societies is made of the ordinary. The bonds that connect us are formed between ordinary people. You and I, in fact. And if, from time to time, geniuses, heroes, or tyrants leave their mark on History, it is always because a multitude of anonymous lives made it possible.
I wish we could linger a little on the everyday.
A spring spent in the garden,
back bent over rows of lettuce.
Those long days of idleness and quiet.
And, after the storm has passed, skin that smells of the forest.

# 6 - Do something
Go vote, if you still can. Pick a subject at random, and read. Spend ten minutes a day listening to the world around you. Look at the first buds of spring. Lean into what seems complicated and, after a bit of study, realize it might not be after all. Acknowledge the work of those who still strive to keep freedom alive. Say hello to your neighbor. Talk to the birds, if you will.
But for heaven’s sake — do something.
(french version)
#1 - Par delà l’horizon
Il est des matins où l’on préfère ouvrir les fenêtres sur le roulis tranquille des vagues, le brouillard qui s’efface peu à peu découvrant les lignes irrégulières de la côte chypriote, plutôt que sur le tumulte qui bruisse plus loin, au-delà de l’horizon.
Depuis ma chambre d’hôtel à Paphos, j’observe cette mer lisse comme une huile — et je pense qu’au-delà de cette étendue paisible, à quelques centaines de kilomètres seulement, un peuple s’efface, jour après jour, arraché à sa terre comme un carré de forêt amazonienne. Plus loin encore, au-delà de la Turquie et de la mer Noire, une autre guerre s’étire, surgie d’un songe fiévreux un matin.
Et comme le bateau qu’on croit disparu une fois passé la ligne d’horizon, bien des réalités existent sans se montrer. Elles avancent, portées par des courants que l’œil ne saisit pas toujours. Et entre l’insouciance de mon enfance et le spectacle qui s’étend aujourd’hui devant moi, il ne semble s’être écoulé qu’un battement de cils.
#2 - Une histoire distante
Comme je n’ai pas vécu l’Histoire, qu’elle n’existe pour moi que dans les livres, je me trouve souvent désemparée face au monde d’aujourd’hui. J’ai du mal à concevoir, d’une manière très tangible, que l’humanité ne s’est bâtie qu’entre violence et répit, effondrements et recommencements. Et peut-être que ce qui ressemble aujourd’hui à un naufrage n’est, en réalité, qu’un passage vers un renouveau plus paisible. Je ne peux imaginer que la résilience dont nous avons fait preuve jusqu’ici existe encore et que naîtrons, quelque part, les hommes et femmes qui guideront les peuples futurs sans s’enivrer de pouvoir et de violence.
J’ai grandi dans un monde qui ne voyait que le progrès. Auprès de ceux qui prêchaient la paix après avoir fait la guerre, l’égalité après avoir tant discriminé. Peut-être est-ce pour cela que la violence, dans ses formes les plus dures, me semblait si lointaine.
Je ne peux rien au monde qui m’a façonnée. Mais peut-être était-il bon que, tôt ou tard, le voile se déchire. Parce qu’il fallait enfin comprendre que la guerre n’est pas une chose lointaine, réservée à d’autres vies, mais une réalité profondément humaine, que nous faisons et défaisons ensemble depuis toujours.
#3 - Introspection
Je ne me sens d’aucune utilité, en cet instant précis de l’Histoire. Peut-être parce que, prise seule, ma vie ne pèse pas grand-chose. Mais plus je cherche à comprendre le monde et ses blessures, plus je me découvre aussi. Je comprends la logique de ma propre violence, de mon indifférence, les limites de mon empathie et de ma générosité. Et les illusions dans lesquelles je me protège : ce mensonge rassurant que les réalités des autres ne m’appartiennent pas.
Mais si je vois que, quelque part en moi, vivent les mêmes peurs, les mêmes élans, les mêmes instincts que ceux qui, aujourd’hui, persécutent ou sont persécutés, alors je ne peux plus croire que tout cela m’est étranger.
Et je comprends aussi que ce combat intérieur — pour que la violence et l’indifférence ne s’enracinent pas — finira par se refléter dans mes actions et mes mots. Et que ceux là même, reliés à ceux des autres, pourront, à leur manière, transformer un peu le visage du monde.
#4 - Biodiversité
On dit qu’une nature privée de sa diversité devient fragile. Que lorsqu’on remplace les fleurs sauvages et les bosquets mêlés par une mer uniforme de maïs transformé, la terre finit par s’appauvrir, jusqu’à devenir stérile. On dit aussi que la disparition d’une espèce en entraîne d’autres, car chaque vie soutient en silence celles qui l’entourent.
Alors il est curieux, partant de là , et sachant que nous faisons partie de cette même nature, que l’on puisse croire que la disparition de certains peuples, de certaines cultures, n’aurait aucun effet sur l’équilibre du monde.
Je m’étonne chaque jour de la facilité avec laquelle les Hommes s’acharnent à rejeter ou à détruire ce qui ne leur ressemble pas. Ou du moins, ce qui ne leur ressemble pas directement.
Et pourtant, peut-être que notre survie tient depuis toujours à cette capacité étrange de nous transformer pour habiter le monde, en inventant la diversité pour mieux en épouser la complexité.
Derrière l’inconfort que suscitent nos différences, ne se cachent au fond que les mêmes questions — formulées autrement.
#5 - Vie ordinaire
On ne parle pas assez de l’ordinaire. Des jours ordinaires, des gens ordinaires. Et pourtant il y a du beau dans l’ordinaire. Il y a plus de beau dans l’ordinaire que dans l’extraordinaire. Plus de beau dans les inconnus de l’Histoire que dans ses héros. Ceux qui vivent leur vie simplement, silencieusement. Et Dieu sait qu’ils sont nombreux. Et Dieu sait qu’ils sont méprisés.
Le tissu de nos sociétés est fait d’ordinaire. Les liens qui nous unissent naissent entre des gens ordinaires. Vous et moi, en sommes. Et s’il arrive que des génies, des héros ou des tyrans marquent l’Histoire, c’est toujours parce qu’une foule de vies anonymes l’a rendu possible.
Je voudrais qu’on s’attarde un peu sur le quotidien, un printemps passé au jardin, l’échine courbée au-dessus des rangs de laitue, les jours d’ennui et de paresse, Et, une fois l’orage passé, une peau qui a l’odeur de la forêt.
#6 - Fais quelque chose
Allez voter si vous le pouvez encore. Prenez un sujet au hasard, et lisez. Accordez dix minutes par jour à écouter ce qui vous entoure. Regardez les premiers bourgeons du printemps. Penchez-vous sur ce qui vous semble compliqué et, après un moment d’étude, découvrez que ça ne l’est peut-être pas tant que ça. Reconnaissez le travail de ceux qui oeuvrent encore pour que la liberté existe. Dites bonjour à votre voisin, parlez aux oiseaux si ça vous chante.
Mais de grace, faites quelque chose.